Start-up de foot : comment Versailles veut hacker le monde du sport
Dans Le Club, Canal+ filme l’audace d’un trio d’investisseurs qui s’attaque à un club en crise. Entre vision, doutes et frictions, une série qui raconte ce que veut dire entreprendre.
Au moment où l’on pensait avoir tout vu dans les coulisses du sport — des bilans financiers au mercato clinquant Le Club vient bouleverser les codes. Cette série documentaire de Canal+ ne documente pas un grand club établi, mais une aventure audacieuse : la reprise du FC Versailles, un club en pleine (re)construction, et le pari fou d’en faire un projet à la fois sportif, culturel et humain.
Quand on entre dans l’univers de Versailles via Le Club, on ne tombe pas immédiatement sur des tribunes comblées ou des millions de recettes. On découvre d’abord des nuits de doutes, des réunions à huis clos, des remarques tranchantes. Le trio d’investisseurs derrière le projet ; Alexandre Mulliez, Fabien Lazare, et d’autres ; investit dans un club au bord du dépôt de bilan. Ils ne viennent pas du sérail du football : leur force tient à leur regard d’entrepreneurs. Leur handicap, c’est cette inéluctable courbe d’apprentissage, qu’ils affrontent en direct, avec leurs maladresses, leurs remises en question, leurs petits renoncements.
La caméra capture des moments très forts. Salomon Kashala, directeur sportif, lâche dans une séquence brutale : « si tu n’acceptes pas de partir, tu ne vas pas jouer ». Cette phrase crue déclenche une réaction du syndicat des joueurs, l’UNFP, qui dénonce une pression « hors la loi ». Ce mauvais coup, ce clash public, n’est pas mis sous le tapis : il expose la tension qui alimente toute transformation. On voit aussi l’ombre d’anciens dirigeants, les résistances, les joueurs sceptiques, la défiance des supporters, tous acteurs d’un équilibre qu’il faut réinventer.
À Paris, à Versailles, sur le terrain de Montbauron, modeste mais symbolique, le récit se déploie comme une fable contemporaine : un groupe d’outsiders s’engage sur un terrain qui ne pardonne rien. Le FC Versailles n’a jamais été un mastodonte du football français, mais il porte une histoire de passion locale, de bâtiments simples, de stades modestes. Sa montée vers le National et les surprises qu’elle provoque se dessine petit à petit, entre moments de gloire et reculs. Le parcours réel du club rejoint le récit filmé : saison après saison, Versailles construit son chemin.
Pour l’entrepreneur spectateur, Le Club est plus qu’un documentaire sportif : c’est une métaphore de toute transformation radicale. Il rappelle que l’innovation ne survit pas aux beaux discours si l’on oublie l’humain, que chaque nouvelle stratégie porte en elle ses résistances internes. Il pointe aussi une vérité méconnue : le pouvoir de la transparence, quand elle est crédible, de la communication, quand elle est sincère, et du leadership, quand il sait écouter ses failles.
À mesure que s’avance la série, on voit que la victoire n’est pas seulement une montée de classement, mais l’acceptation collective d’un nouveau récit : les joueurs qui adhèrent, les supporters qui reviennent, les anciennes craintes qui se font confiance. Quand l’un des épisodes résonne autrement, ce n’est pas parce que le club gagne un match, mais parce qu’une réunion de crise s’achève sur une prise de conscience : ici, les dirigeants écourtent leurs certitudes, admettent leurs erreurs, réajustent le tir.
En fin de compte, Le Club ne promet pas un compte-rendu aseptisé d’un “success story”. Il offre un voyage parfois rugueux, souvent imparfait, toujours humain dans les marges du possible. Pour quiconque porte un projet, pour l’entrepreneur qui marche dans ses nuits, la série devient un miroir : pas de romanciers, seulement des hommes et des femmes qui avancent, trébuchent, corrigent, se relèvent. Et dans ce cheminement, tout spectateur volontaire y reconnaîtra ses propres ambitions et ses propres combats.