SILICON VALLEY VS CHIC PARISIEN : DEUX SALLES DEUX AMBIANCES
Deux écoles s’affrontent aujourd’hui comme deux philosophies antiques : les stoïciens en hoodie californien et les épicuriens parisiens.
L’entrepreneur, ce héros contemporain, ne choisit pas seulement ses investisseurs ou son modèle de croissance : il choisit aussi ses vêtements, et donc son camp. Comme disait Roland Barthes, « le vêtement est un langage » ; et comme disait ma grand-mère, « habille-toi correctement, on ne sait jamais sur qui tu peux tomber ». Deux écoles s’affrontent aujourd’hui comme deux philosophies antiques : les stoïciens en hoodie californien, qui prêchent le dépouillement textile, et les épicuriens parisiens, costumés de pied en cravate, qui célèbrent la volupté du tissu sur mesure.
En Californie, la mode n’existe pas, ou plutôt elle existe sous forme de non-mode. C’est la revanche de Diogène dans son tonneau : vivre avec un seul t-shirt gris pour prouver au monde qu’on a dépassé les vanités vestimentaires. Sauf que Diogène ne levait pas de fonds à 500 millions. Le hoodie est ici une arme politique : il efface les hiérarchies, gomme les différences sociales, et proclame « l’idée prime sur la soie ». Mais soyons honnêtes : personne ne croit que Mark Zuckerberg a choisi son t-shirt au hasard. L’uniforme est une stratégie comme une autre. Dans la Silicon Valley, on fait semblant d’être simple pour mieux montrer qu’on est génial.
À Paris, c’est un tout autre roman, et Balzac l’avait déjà écrit dans La Comédie humaine : l’habit est un capital. Le costume sur mesure n’est pas seulement un tissu, c’est une rente symbolique. C’est l’art de signifier au monde : « Je vaux cher. » Le dirigeant français ne va pas en rendez-vous, il monte sur scène ; son veston est un rideau de velours, sa cravate un coup de cymbales. Même Oscar Wilde aurait approuvé : « On ne peut jamais être trop habillé ni trop éduqué. » Dans la capitale du luxe, l’élégance est une preuve de sérieux, comme un CV cousu au fil de soie.
Le contraste est fascinant. En Californie, on vend du futur en baskets ; à Paris, on vend de la confiance en richelieus. Le langage vestimentaire est un code : le hoodie dit « je suis cool, tu peux bosser avec moi », le costume dit « je suis crédible, tu peux me confier ton argent ». Horace parlait de la juste mesure : le fameux « in medio stat virtus ». Peut-être est-ce là la solution pour l’entrepreneur moderne : ne pas choisir un camp, mais savoir jongler. Un blazer jeté sur un t-shirt, des sneakers avec un costume, voilà la nouvelle rhétorique de la réussite.
Et puis, après tout, qu’importe. Comme le rappelait Wilde encore, « la mode est une forme de laideur si intolérable que nous devons en changer tous les six mois ». Les codes, qu’ils soient de Palo Alto ou du boulevard Haussmann, ne sont que des conventions passagères. Le vrai style de l’entrepreneur ne réside pas dans le tissu, mais dans la cohérence entre son discours, sa vision et… sa paire de chaussures. Car ne l’oublions pas : dans ce monde où tout est pitch, votre garde-robe est déjà une présentation PowerPoint.