En France, le prix du m2 moyen est de 4421€, c’est le m2 le plus cher d’Europe hormis l’Autriche. Il est par exemple de 2285€ en Italie, 2952€ aux Pays- Bas, 2684€ en Belgique ou 3244€ au Danemark.
Pourquoi les français sont-ils condamnés à vivre dans des logements petits ou à se saigner toute leur vie pour avoir accès au même confort que leurs voisins européens ?
Comme d’habitude, la réponse est simple : l’État !
Le marché immobilier n’a de marché que le nom tant distorsions causées par l’État y sont nombreuses.
Première raison, le logement social. Avec l’obligation qui frappe les communes de respecter des quotas de logements sociaux, la production de logements neufs est entravée. La loi SRU demande 20 à 25% de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3500 habitants. En phase de rattrapage, certaines communes sont dans l’obligation de construire 50% de leurs nouveaux logements sous forme de logements sociaux. Sauf que les bailleurs sociaux, ces énormes groupes immobiliers, semi publics pour la plupart, achètent les logements à des prix fixés par zone. Parfois pour une bouchée de pain par rapport à ce que paye le consommateur. Ils doivent remplir certaines obligations (la principale étant de louer en « social » les biens acquis pendant 15 ans) mais ont l’immense avantage d’acheter à vil prix et pouvoir revendre en réalisant d’énormes plus-values, 15 ans plus tard. Par exemple, en zone A (la meilleure hors Paris), le m2 est acheté par le bailleur environ 2750€ quand il vaut au moins 4500€ et souvent bien plus!
Ces bailleurs sociaux ont été créés après la Guerre avec l’apport de capitaux de grandes familles françaises, main dans la main avec l’État qui faisait face à un pays en ruine et des caisses vides. Aujourd’hui ils sont un exemple flagrant de capitalisme de connivence, nocifs, inutiles et injustes.
Aujourd’hui, ils sont détenus en grande partie par des capitaux privés venant de grandes banques nationales ou de fonds d’investissement, associés au secteur public. Certains sont complètement publics mais souvent au niveau local, donc pas les plus important.
Mais en plus de cela, l’État les subventionne. Les mécanismes sont nombreux. Le 1% Logement pris aux employeurs, la subvention par lot, la subvention pour surcharge foncière, la prime d’insertion, l’exonération d’IS, l’exonération de la taxe foncière pouvant aller jusqu’à 25 ans, la TVA réduite (à 10 ou 5,5%), la mobilisation du foncier public, la décote sur la valeur vénale… on ne compte plus les dispositifs pour aider les bailleurs sociaux ! Et encore moins l’armée de fonctionnaires qui s’attèle à faire tourner cette usine à gaz diabolique.
D’autre part, la Caisse des Dépôts et Consignations, qui possède 300.000 logements via sa filière CDC Habitat, a le monopole du prêt aux bailleurs sociaux. Ce sont des prêts allant jusqu’à 80 ans qui ponctionnent les Livrets A, Livrets de développement durable et solidaire et Livrets d’épargne populaire pour financer les bailleurs sociaux.
Enfin, les collectivités territoriales peuvent également participer à cette joyeuse folie dispendieuse en finançant les bailleurs avec leurs propres subventions.
Je vous ai épargné les dizaines de lois, d’organismes et de fonds nationaux qui régissent tout cela, c’est imbitable, ça donne la nausée.
Il suffit de supprimer les financements des bailleurs progressivement, supprimer leurs avantages (monopole, TVA réduite, lois sur mesure) mais aussi faire sauter leurs contraintes (loyers plafonnés, quasi impossibilité juridique de créer un nouvel acteur, obligation de détenir 12.000 lots) pour introduire de la concurrence dans ce secteur sclérosé.
Les promoteurs immobiliers sont donc contraints de vendre le tiers ou la moitié d’un immeuble neuf à des prix sans aucun rapport avec le prix de marché. Pour parvenir à payer les entreprises de BTP, les taxes, ses employés et prestataires ainsi que dégager une marge, il faut que le promoteur vende les 50% restants à un prix très élevés.
Et qui paye ce prix très élevé ? Vous l’avez deviné, le consommateur !
Ce qui devrait coûter environ 3000€ comme partout dans les pays développés, en coûte 4500€.
L’État et toutes ses déclinaisons, que sont les mairies, conseils départementaux et autres conseils régionaux, étouffent le secteur immobilier de centaines de normes inutiles. Il est devenu quasi impossible de construire des logements en France tant les normes sont nombreuses. Le code de la Construction a été multiplié par deux depuis 2001, celui de l’Environnement par cinq et celui de l’Urbanisme par 1,5. Les logements sont donc rares et chers.
Prenons un exemple concret : Un promoteur se met d’accord sur un prix avec les propriétaires d’une parcelle en plein centre-ville, cernée par les immeubles et les grands axes.
En toute logique, un immeuble haut et moderne devrait pouvoir s’y dresser et loger de nombreuses familles en contribuant à la baisse des prix (nouvelle offre) et l’amélioration des conditions de logement (modernes, bien isolés, efficients en énergie).
Mais le promoteur doit respecter les obligations suivantes :
Faire de nombreux logements sociaux
Respecter les exigences du Plan Local d’Urbanisme (PLU) en termes de places de stationnement, toujours pléthoriques, et donc creuser trois sous-sols - une fortune - bien qu’étant devant un arrêt de bus et à 100m d’une gare, ce qui rendra les stationnements inutiles et invendables.
Le PLU limite également la hauteur du bâtiment et ses dimensions.
Il doit consulter les pompiers, les concessionnaires d’eau, électricité et gaz, l’architecte des bâtiments de France, la voirie, le ramassage des ordures et vérifier qu’aucune servitude de passage, de vue ou de tréfonds ne frappe le terrain. Chacun de ces éléments pouvant encore diminuer la constructibilité.
Il faut être conforme à toutes les exigences des planificateurs, chacune venant se superposer aux autres, tels que le PADD, le SCOT, la DTA, le Straddet, ou encore le PLHi
Respecter toutes les normes énergétiques, acoustiques, thermiques, qui sont parfois absurdes et imposent de climatiser un étage tout en interdisant de climatiser celui du dessus (véridique). Les algorithmes pondus dans les ministères ne correspondent jamais à la réalité du terrain.
À cela s’ajoutent la Loi sur l’Eau, les restrictions liées au chantier, les couloirs aériens, les sites protégés, les taxes d’aménagement et de raccordement, les préconisations archéologiques préventives, le respect des espèces protégées, les normes locales que j’ignore et toutes celles que j’oublie.
Bien évidemment, la Mairie voudra un projet ne correspondant pas à ce mille-feuilles administratif, ça serait trop simple. Les règles définies par les fonctionnaires ne suffisent pas à satisfaire leur envie de tout contrôler, ils vont toujours au-delà des textes.
Après des années de patience et une baisse significative du prix du terrain, logique puisque le promoteur peut construire bien moins que prévu initialement, le projet se fera et un petit immeuble aux appartements très chers pourra voir le jour.
Un bilan de promotion immobilière, dans les grandes lignes, est décomposé comme suit dans une zone tendue, donc attractive et dynamique :
Le terrain pèse pour 20% des dépenses totales TTC.
La construction : 55%.
Les honoraires de gestion, techniques, juridiques, commerciaux, les frais financiers et d’assurances 20%.
Les taxes 5%.
Les gagnants ?
Le vendeur de la parcelle, car la rareté de son terrain le rend cher (encore faut-il qu’il ne se soit pas découragé ou senti floué, il aura de toutes façons le maximum possible car la concurrence entre promoteurs est féroce).
Les locataires des logements sociaux qui vivront à bas coût dans un immeuble neuf du centre-ville.
Le bailleur social qui aura fait l’acquisition de logements neufs à très bas prix.
Entre 30 et 50% des nouveaux logements seront acquis par ce dernier. Pour un prix inférieur de 50 à 70% du prix de marché.
Et peut-être le promoteur, qui aura droit à ses 5% de marge s’il s’en sort bien.
Les perdants ?
Le jeune couple d’actifs qui veut devenir propriétaire et paiera une fortune son deux pièces en s’endettant sur 20 ans.
L’État, qui devra subventionner le bailleur.
La Mairie, qui n’aura jamais ce qu’elle voulait à cause des règles qui se superposent à son PLU.
Le quartier, qui aura un immeuble dénué d’esthétique et de cohérence (difficile de faire une belle façade sans rentabilité et une belle rue en respectant mille règles idiotes et en s’adaptant à l’humeur changeante des maires successifs).
Les techniques de construction actuelles permettent pourtant de construire des logements très confortables pour tout le monde à moindre coût en un temps record. Il n’y a aucun frein endogène à construire une France de propriétaires prospères. Tous les problèmes créant la crise du logement viennent de l’implication de l’État.
Le secteur de l’immobilier est un pilier du développement humain, il répond à des besoins fondamentaux. En le libérant de ses chaînes, il pourrait permettre à tous de se loger dignement en étant propriétaire.
On pourrait permettre aux ménages modestes d’accéder à un prêt bancaire (sur 50 ans par exemple) garanti par l’État. Cela permettrait aux occupants de remplacer leur loyer réduit par une traite mensuelle et devenir propriétaires.
Petit à petit, le parc de logements sociaux serait détenu par ses occupants. À terme, cela conduirait à la disparition des bailleurs sociaux, certains subsisteraient mais en étant 100% privés et rentables.
Quand on est propriétaire, on prend soin de son bien et de sa valeur. Finies les dégradations, immeubles délabrés, ascenseurs cloués au sol ou les charges impayées.
Enfin, il faut autoriser la construction.
Personne ne veut construire. Chaque échelon administratif français est contre. Pour des raisons électorales souvent, de charge de travail parfois, d’incompréhension totale de l’économie toujours. Donc chaque strate ajoute une contrainte sous la forme de norme, loi, décret, plan, interdiction, règle, etc.
Pourtant, l’augmentation de la population et, surtout, le fractionnement des foyers, augmente la demande en logements.
Évidemment, tapisser la France d’immeubles laids, de deux étages, en zone périurbaine, ça ne fait rêver personne.
Pourtant, en effaçant cette montagne de règles contraignantes tout en appliquant du bon sens urbanistique et architectural (le marché n’aurait aucun intérêt à ce qu’une tour ultra moderne se construise dans la Creuse plutôt qu’à La Défense), des solutions émergeraient très rapidement.
En construisant plus haut et de manière plus concentrée, la densité de population au km2 est bien plus efficace. L’empreinte écologique est considérablement réduite. La consommation d’énergie, le traitement de l’eau, l’imperméabilisation des sols, l’impact sur la faune, tout est optimisé.
De plus, le marché libéré verrait les prix diminuer progressivement pour s’ajuster sur le reste du monde développé. Et tout promoteur aurait intérêt à se démarquer en faisant du beau. Aujourd’hui la concurrence n’agit pas puisqu’obtenir un permis de construire revient à avoir un quasi-monopole sur un secteur tant ils sont rares.
Grâce à ces solutions, les français, presque tous propriétaires, auraient enfin des logements moins chers, plus confortables, bien entretenus et seraient débarrassés de parasites qui se gavent sur leurs dos à coups de prix immobiliers gonflés et d’impôts. Les prouesses architecturales, les défis d’ingénierie, ne seraient plus réservés à Dubaï ou Jakarta, on pourrait même rêver de voir la France renouer avec son passé de phare architectural mondial. Nous pourrions vivre dans des superbes immeubles néo-haussmanniens modernes de 20 étages, efficients en énergie et peu gourmands en espace, pour la moitié de ce que l’on paye aujourd’hui.
Mais pour cela, il faut beaucoup plus de liberté.
Romain Dominati, Directeur Général Adjoint - AEI Promotion