PITCHER VOTRE BUSINESS EN 2025 : L'ERE POST CANVAS
Par Dr. Katharine D’Amico, CEO du Swala Institute, appliquant les neurosciences au monde des affaires et au leadership.
À la fin des années 2000, le Business Model Canvas (BMC) a fait figure de révélation. Une page. Neuf cases. Une alternative élégante aux plans d’affaires interminables que personne ne lisait. Pendant un temps, la magie a opéré : les fondateurs collaient des post-its en ateliers collaboratifs, les accélérateurs le rendaient obligatoire, et les professeurs l’enseignaient comme une nouvelle orthodoxie. Mais seize ans plus tard, la promesse initiale s’essouffle.
En 2025, les neuf cases bien rangées ne suffisent plus. Le BMC reste utile pour lancer un brainstorming rapide, mais il est désastreux pour structurer le récit d’une entreprise réelle.
Et sans récit clair, aucun investisseur n’engage son capital.
Pourquoi le Canvas échoue aujourd’hui
L’échec n’est pas accidentel : il est inscrit dans la logique même du Canvas. Les conversations avec des investisseurs le révèlent systématiquement. Les catégories sèment la confusion.
Faut-il inclure les appels de prospection dans les “activités clés” au même titre que les sprints produit ? Un projet pilote relève-t-il des partenariats ou des revenus ?
Cette ambiguïté réduit la valeur de l’outil. De plus, le Canvas laisse totalement de côté les questions financières critiques : burn rate, allocation du capital, scénarios de sortie. Autant de points que les investisseurs considèrent comme non négociables.
Enfin, il échoue à créer une narration. Les investisseurs ne raisonnent pas en cases, mais en problèmes, risques et perspectives de retour. Comme le dit un mentor d’accélérateur : « Le Canvas est devenu du karaoké business, tout le monde chante sur la même partition, mais peu savent vraiment tenir la note. »
Adieu Canvas. Bonjour Compass.
De cette frustration est né le PBPO Compass. Contrairement aux neuf cases déconnectées du BMC, le PBPO propose une séquence narrative alignée sur la logique de l’investisseur. Quatre étapes structurent le récit : Problem (Problème), Business (Business), Plan (Plan) et Opportunity (Opportunité).
Le problème définit la douleur, le client cible et la taille du marché. Le business décrit le MVP, la traction et le moteur de revenus. Le plan détaille les jalons, l’allocation du capital et la crédibilité de l’équipe. Enfin, l’opportunité répond à la question essentielle : qu’y a-t-il à gagner pour l’investisseur ?
Plus qu’une grille, c’est une boussole qui oriente la conversation et qui transforme l’abstraction en conviction.
Pourquoi les neurosciences prouvent que ça fonctionne
Le cerveau humain n’est pas conçu pour manipuler neuf cases simultanément. Il est conçu pour suivre des histoires. La mémoire de travail ne retient que trois à quatre éléments à la fois, ce qui rend le Canvas cognitivement saturant.
L’amygdale, centre de détection des menaces, s’apaise lorsqu’un pitch commence par la description claire d’un problème réel. La logique séquentielle du PBPO réduit la charge cognitive et favorise la compréhension. Une feuille de route explicite calme les incertitudes et renforce la confiance. Et conclure par l’opportunité active les circuits de la récompense, stimulant l’engagement de l’auditoire.
En d’autres termes, le PBPO épouse la mécanique de la décision humaine : percevoir la menace, suivre une logique, valider l’exécution, anticiper la récompense.
Ce que les investisseurs demandent vraiment
Dans les salles de pitch, la réalité est implacable. Face à un Canvas, les investisseurs contournent la grille et posent immédiatement les questions fondamentales : « De combien de cash avez-vous besoin, et quand serez-vous à court ? », « Montrez-moi votre feuille de route, pas seulement votre modèle », « Quelle est la stratégie de sortie ici ? ». Le BMC reste muet devant ces questions.
Le PBPO, au contraire, y répond naturellement. Parce que sa séquence Problème, Business, Plan, Opportunité correspond exactement à la checklist mentale de l’investisseur. Là où le Canvas génère un déficit de confiance, le PBPO construit une logique de conviction.
Pourquoi ce changement est crucial en 2025
Le contexte entrepreneurial a radicalement changé. Les fondateurs ne présentent plus de cafés branchés ou d’applications ludiques. Ils construisent des paris en intelligence artificielle, en medtech et biotech, en technologies climatiques. Des marchés intensifs en capital, complexes, et soumis à une forte régulation. Les investisseurs exigent de la profondeur, de la clarté et une logique d’exécution. Le Business Model Canvas a été l’outil parfait de son époque : il a démocratisé l’entrepreneuriat. Mais en 2025, bâtir une entreprise avec un cadre de 2005 revient à tenter de naviguer une voiture autonome avec une carte papier. Les entreprises n’ont pas besoin de plus de cases. Elles ont besoin de clarté. Elles ont besoin de confiance. Elles ont besoin d’une boussole.
La confiance comme véritable capital
Au final, les startups ne sont pas financées parce qu’elles remplissent neuf cases. Elles le sont parce qu’elles savent raconter une histoire qui inspire confiance. Le PBPO a été créé pour cette raison : un cadre aligné avec le cerveau humain, avec la logique des investisseurs et avec la complexité des projets actuels. Parce que la confiance, en entrepreneuriat, n’est pas un exercice de post-it. C’est une histoire bien racontée.
Par Dr. Katharine D’Amico & Josep Ballesté.
Co-auteurs du livre à paraître : The Venture Builder Compass: Applied Neuroscience & the PBPO Framework (2025).
Katharine D’Amico, PhD, est PDG du Swala Institute, où elle applique les neurosciences au monde des affaires et au leadership. Elle a accompagné plus de 900 startups à travers l’Europe et investit en tant que business angel dans des jeunes pousses technologiques, contribuant à lever plus de 190 M€. Conférencière TEDx et contributrice pour Forbes, elle fait le pont entre le monde académique et l’entrepreneuriat.