OpenAI, 500 milliards et l’ombre d’une bulle
L’avenir dira si ce moment marque le début d’une ère industrielle nouvelle, ou le sommet fragile d’une bulle spéculative.
Le 2 octobre 2025 restera comme une date clé dans l’histoire récente de la Silicon Valley. OpenAI, l’entreprise qui a popularisé ChatGPT et remis l’intelligence artificielle au centre de toutes les conversations, a franchi la barre vertigineuse des 500 milliards de dollars de valorisation. Non pas via une introduction en Bourse tonitruante, mais par une opération plus discrète : une vente d’actions secondaires qui a permis à ses salariés et anciens collaborateurs d’encaisser plusieurs milliards.
À la une des journaux économiques, le chiffre impressionne. Il place OpenAI au-dessus de SpaceX et en fait la startup la plus valorisée au monde. Mais au-delà de la performance, cette séquence raconte une autre histoire : celle d’une industrie au bord de l’exubérance.
L’ivresse des chiffres
Les investisseurs se pressent autour d’OpenAI comme ils l’ont fait hier autour des géants du web ou des cryptomonnaies. Leur pari est simple : si l’IA générative devient la colonne vertébrale de l’économie, celui qui contrôle son déploiement contrôlera la prochaine révolution industrielle. Les revenus de l’entreprise — plus de 4 milliards au premier semestre 2025 — semblent valider cette trajectoire, mais ils restent encore modestes comparés aux attentes que sous-tend une telle valorisation.
Un mécanisme révélateur
La transaction en dit plus long qu’il n’y paraît. Offrir à ses employés la possibilité de liquider une partie de leurs actions, c’est acheter leur loyauté, dans une guerre mondiale des talents où Google, Meta et Microsoft sortent l’artillerie lourde. C’est aussi une manière d’afficher sa puissance symbolique : OpenAI n’est pas qu’une entreprise innovante, c’est un marché en soi, un actif dont la simple détention se négocie comme une part d’avenir.
Les promesses et leurs failles
Mais toute histoire d’exubérance a ses zones d’ombre. Les modèles de langage géants coûtent une fortune à entraîner et à exploiter. Les marges sont fragiles, et l’alignement entre recherche fondamentale, produit commercialisable et gouvernance reste un casse-tête. Derrière l’image d’une machine de guerre technologique, OpenAI demeure une organisation hybride, née comme une fondation à but non lucratif avant de se transformer en société à profit limité. Cette dualité pourrait devenir un talon d’Achille à mesure que les régulateurs scrutent de plus près le secteur.
Le miroir des bulles passées
Ce moment rappelle des scènes connues. Dans les années 2000, les startups internet s’arrachaient des valorisations astronomiques sur la promesse d’un futur connecté. En 2021, ce fut le tour des cryptos et des NFT, au sommet d’une euphorie qui s’est depuis largement dégonflée. L’histoire économique se répète rarement à l’identique, mais elle rime souvent. Le défi pour OpenAI sera de transformer une valorisation théorique en valeur réelle et durable.
Alors, OpenAI vaut-elle réellement 500 milliards ? La réponse, en vérité, importe peu. Ce chiffre est avant tout un signal : celui d’un moment de bascule où l’intelligence artificielle cesse d’être une promesse technologique pour devenir une infrastructure de pouvoir économique et politique.
L’avenir dira si ce moment marque le début d’une ère industrielle nouvelle, ou le sommet fragile d’une bulle spéculative. Mais une chose est certaine : l’histoire d’OpenAI ne fait que commencer, et elle déterminera bien plus que la fortune de ses actionnaires.