La comète s’est désagrégée. Le mot n’est pas trop fort pour décrire le lent effacement d’Emmanuel Macron, huit ans après son élection fulgurante de 2017. Celui que l’on avait qualifié de « météore », pour sa percée sans précédent dans un paysage politique épuisé, semble aujourd’hui réduit à l’état de fragment. Sa cote de confiance, tombée à 17 % selon les derniers baromètres, témoigne d’un désamour profond. Même parmi ses anciens électeurs, la lassitude domine. L’étoile pâlit, le souffle s’éteint.
L’illusion d’un nouveau centre
La question n’est plus de savoir ce que le président veut faire, mais ce qu’il peut encore faire. À deux ans de la fin de son mandat, son destin politique lui échappe. Trois scénarios se dessinent, aucun n’étant véritablement à son avantage.
Le premier, le plus optimiste (ou le moins pessimiste) verrait Emmanuel Macron trouver un Premier ministre capable de tenir jusqu’en 2027. Un profil de consensus, assez habile pour rallier un arc politique allant du Parti socialiste aux Républicains, en passant par les formations centristes. Ce serait l’ultime tentative d’un « grand bloc central », la version institutionnelle du fameux « en même temps ». Un pari sur la modération, dans une époque de radicalisation. Mais le climat politique, fracturé et polarisé, rend cet équilibre presque chimérique. Les compromis d’hier deviennent aujourd’hui des trahisons.
Le spectre de l’impuissance
Le deuxième scénario est celui d’une nouvelle dissolution, sur fond de paralysie institutionnelle. Mais rien n’indique qu’un scrutin anticipé ferait émerger une majorité claire. Au contraire : les sondages placent le Rassemblement national entre 32 et 35 % des intentions de vote, la gauche émiettée à 25 %, et le camp présidentiel sous la barre des 20 %. Une telle issue consacrerait la mise entre parenthèses de l’action politique. Deux années d’immobilisme, au risque d’une explosion sociale ou d’une défiance accrue. Ce scénario ouvrirait un boulevard à une alternance brutale, incarnée par une formation d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron deviendrait l’otage de sa propre impuissance : condamné à gérer l’attente, comptable d’une inaction que son propre système politique aurait engendrée.
Le choc de la démission
Reste un troisième scénario, improbable mais non impensable : la démission. Le président, constatant l’impossibilité de gouverner, pourrait choisir de se retirer, relançant ainsi le processus démocratique. Une sortie de crise par le haut, diraient certains ; un aveu d’échec, trancheraient d’autres. Mais cette hypothèse aurait au moins le mérite de rendre à la Ve République un souffle de responsabilité, en plaçant le pays devant un choix clair plutôt qu’un statu quo épuisant.
La fin du leadership
Ces trois trajectoires disent la même chose : la perte de leadership du président, son isolement croissant face aux attentes du pays, et l’usure d’une stratégie du flou. À force de vouloir séduire plutôt que trancher, Emmanuel Macron a vidé sa méthode de sa substance. L’« en même temps » n’est plus un art du dépassement, mais un signe d’hésitation.
La crise actuelle dépasse cependant sa seule personne. Elle traduit un désenchantement collectif. La confiance entre le peuple et ses dirigeants s’est rompue, peut-être durablement. Comme l’écrivait René Girard, les sociétés en crise cherchent un bouc émissaire ; Emmanuel Macron incarne aujourd’hui ce rôle, concentrant sur lui la fureur d’une nation en perte de repères.
De la “Révolution” à l’épuisement
En 2016, Emmanuel Macron publiait Révolution. Le titre sonnait comme une promesse. Neuf ans plus tard, le mot prend une tout autre résonance : non plus celle de l’élan, mais du retour au point de départ. La comète s’est éteinte. Et avec elle, peut-être, une certaine idée de la modernité politique française.