LES BUSINESS ANGELS, CES ARCHITECTES INVISIBLES DE L'INNOVATION
Par Flora-Marie Leon Pierson
Avant que les fonds de venture capital ne prennent le relais, il y a ceux qui osent miser très tôt : les business angels. Argent, mentorat, confiance… leur rôle dépasse le simple financement. Plongée dans cet univers où la patience et la conviction comptent autant que le capital.
Comment les business angels façonnent l’écosystème entrepreneurial
Derrière chaque grande aventure entrepreneuriale, il y a souvent une poignée d’investisseurs qui ont cru avant tout le monde. Ces investisseurs, ce sont les business angels. Ils misent sur une idée encore fragile, souvent portée par une petite équipe, avant que les projecteurs du venture capital ne s’allument. Sans eux, beaucoup d’innovations resteraient dans un carnet de notes ou un laboratoire.
Plus que de l’argent : trois formes de capital
Être business angel, ce n’est pas seulement investir. C’est s’engager sur trois terrains à la fois :
• Du capital financier : les premiers tickets souvent modestes en comparaison de ce que lèveront ensuite les startups mais décisifs pour transformer un projet en entreprise. En France, près de 5 500 business angels actifs investissent chaque année environ 40 millions d’euros dans plus de 3 000 jeunes entreprises (source : France Angels, Rapport annuel 2023).
• Du capital humain : conseils, retours d’expérience, ouverture de réseaux. Le business angel est souvent un mentor autant qu’un investisseur. Ce que je trouve le plus précieux dans ce rôle, ce sont les discussions franches et sans filtre avec les entrepreneurs. Parfois, une heure d’échange peut leur éviter des mois d’erreurs, et leur donner l’élan nécessaire pour franchir une étape cruciale.
• Du capital symbolique : lorsqu’un business angel croit dans une équipe, il envoie un signal puissant. C’est une validation, une crédibilité qui attire d’autres soutiens.
C’est ce trio argent, expérience, confiance qui fait toute la différence au démarrage.
Le maillon essentiel de l’innovation
Les business angels occupent une place charnière dans le cycle de financement. Ils interviennent après la famille et les amis, mais avant les investisseurs institutionnels. Ils sont le pont entre l’intuition et la structuration.
Un exemple concret ? Doctolib, aujourd’hui leader européen de la e-santé, avait levé ses premiers financements auprès d’un cercle de business angels convaincus, bien avant que les fonds de capital-risque ne s’y intéressent (source : Maddyness, 2019). Ce premier soutien a permis de recruter une équipe, tester le marché et prouver la viabilité du modèle.
En France, cette communauté est de mieux en mieux organisée et structurée. Des réseaux nationaux comme France Angels, la fédération qui rassemble près de 70 associations de business angels, ou encore Paris Business Angels, l’un des plus actifs et historiques du pays, jouent un rôle clé pour professionnaliser la pratique. D’autres se spécialisent par thématique, à l’image de Angels Santé, dédié aux projets dans le domaine médical et biotech, ou de CleanTech Business Angels, orienté vers la transition écologique. On peut aussi citer Femmes Business Angels, premier réseau féminin en Europe, qui soutient depuis plus de 20 ans des projets innovants et ambitieux.
À cela s’ajoutent de nombreux réseaux régionaux qui irriguent le territoire, comme Sophia Business Angels sur la Côte d’Azur, Lyon Angels en Auvergne-Rhône-Alpes, ou encore Melies Business Angels à Montpellier. Cette diversité de structures permet de rapprocher les investisseurs des entrepreneurs, de mutualiser les expertises et de faciliter le co-investissement.
L’impact collectif est considérable : des milliers d’entreprises soutenues chaque année, des emplois créés sur tout le territoire, et un écosystème entrepreneurial qui gagne en vitalité et en diversité.
Une pratique en pleine mutation
Le monde des business angels a beaucoup évolué ces dernières années :
• Le co-investissement est devenu la norme, permettant de diversifier les risques et d’offrir un accompagnement plus riche aux entrepreneurs.
• La diversité des profils s’élargit. Aux investisseurs traditionnels s’ajoutent aujourd’hui des femmes, des jeunes, des ex-entrepreneurs.
• La spécialisation sectorielle se développe : santé, climat, impact, IA… Autant de domaines où l’expertise d’un business angel compte autant que son argent.
Mon regard personnel
En tant que business angel, j’ai pu constater de près que l’investissement ne se réduit pas à un transfert de fonds. C’est un engagement global, fait d’écoute, de discussions parfois intenses, de doutes partagés et de succès construits ensemble.
Je crois que la diversité des investisseurs nourrit la diversité des innovations. Lorsque davantage de femmes investissent, lorsque des profils variés s’engagent, ce sont de nouveaux types d’entrepreneurs qui émergent, de nouvelles idées qui trouvent enfin un écho.
Je défends aussi une conviction : celle du capital patient. Investir, ce n’est pas seulement chercher un retour rapide, c’est accepter de donner du temps aux entreprises, de les accompagner dans leur maturité, et parfois de les voir grandir à un rythme différent de celui des marchés financiers.
Conclusion
Les business angels sont les architectes invisibles de l’innovation. Ils donnent une chance aux idées, ils soutiennent les équipes, ils rendent possible l’impossible. Derrière chaque startup qui réussit, il y a presque toujours eu un ou plusieurs business angels qui ont cru, très tôt, en son potentiel.
Je suis convaincue d’une chose : derrière chaque succès entrepreneurial, il y a toujours eu un business angel qui a dit simplement : “j’y crois”
Et si, demain, nous étions plus nombreux à investir un peu de capital, de temps et de conviction pour façonner ensemble l’écosystème entrepreneurial de demain ?
Sources : France Angels - Rapport annuel 2023 ; Maddyness, “Qui sont les business angels français ?” (2019).